Nous partons pour l'Europe du 16e siècle.
Traditionnellement, la chute de Constantinople en 1453 marque la fin du Moyen-âge.Les savants grecs qui y étaient installés se réfugient alors en Italie, emportant avec eux leurs bibliothèques et leurs savoirs issus de la Grèce Antique.
L'Italie, au carrefour de l'Europe et de l'Asie, fait alors figure de modèle de développement économique (commerce de soie et d'épices, système bancaire, échanges dus aux Croisades) et de raffinement.Au XVIe siècle, le Rinascimento gagne le reste de l'Europe. En France, François Ier souhaite que l'Italie soit un modèle artistique et intellectuel et se fait le protecteur des arts et des lettres.
Il invite en France de grands savants et artistes italiens, tels que Léonard de Vinci et Michel-Ange.
l'homme de Vitruve : Vinci David : Michel-Ange
Les grands traits de la peinture Renaissance sont la maîtrise de la perspective, un soin rigoureux des proportions, le traitement des couleurs, un jeu d'ombre et de lumière, le développement des portraits (souvent les mécènes) et la représentation du corps féminin suivant des inspirations mythologiques.
François Ier est aussi à l'initiative de la construction de châteaux d'inspiration italienne sur les bords de la Loire, style qui se développe sous le règne de son fils Henri II, marié à Catherine de Médicis.
Cette Renaissance artistique s'accompagne également de la (re)naissance d'un élan humaniste.
L'humanisme désigne un grand mouvement intellectuel, moral et religieux caractéristique du 16e siècle. Les Humanistes proposent un idéal de paix et de sagesse qui se fonde sur la connaissance et les savoirs, inspirés des civilisations antiques. On voit bien dans quelle mesure cette façon de penser s'éloigne de l'exaltation des valeurs guerrières chères aux chevaliers du Moyen-âge.
Les Humanistes aussi ont leur idéal, leur quête : celle du Savoir.
Les oeuvres gréco-latines redécouvertes en Italie sont diffusées dans les milieux lettrés, grâce à l'imprimerie. En France, la Pléiade réunit des poètes qui partagent une admiration pour la littérature antique et la volonté de perfectionner la poésie.
* On apporte un soin minutieux à corriger la langue. Au profit du latin et des langues régionales, le français (devenu également langue juridique officielle en 1539) voit sa grammaire et son orthographe codifiés. Un des grands poètes de la Pléiade, Joachim du Bellay rédige en 1549 La Deffense, et l'Illustration de la langue Francoyse.
La langue et la forme des poèmes sont aussi conventionnés.
* Les poèmes d'amour de Pierre de Ronsard connaissent un grand succès : dans ses recueils la passion amoureuse fait écho à la brièveté de la vie ; l'auteur reprend le thème épicurien Carpe diem "profite de l'instant".
Mignonne, allons voir si la rose
Qui se matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil
A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las ! las ! ses beautés laissé choir !
Ô vraiment marâtre Nature
Puisqu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Pierre de Ronsard, Odes, 1550
Cette quête de savoir des Humanistes se lit aussi dans leur curiosité pour les (re)découvertes scientifiques. Ils s'intéressent à des domaines considérés tabous par les autorités religieuses telles l'anatomie, la chirurgie et l'astronomie.
Car enfin, sans être pour autant incroyant, il faut que la gamme des connaissances soit aussi riche et variée que possible. Et il importe de rendre les jeunes générations curieuses.
Rabelais, dans Pantagruel (1532) met en scène un bébé géant qui n'est jamais rassasié de nourriture, symbolisant ainsi la faim des Humanistes pour les connaissances.
Et voici le récit des études de Gargantua, père de Pantagruel :
"Ensuite, il le soumit à un rythme de travail tel qu'il ne perdait pas une heure de la journée, mais consacrait u contraire tout son temps aux lettres et aux études libérales. Gargantua s'éveillait donc vers quatre heures du matin. Pendant qu'on le frictionnait, on lui lisait quelques pages des saintes Écritures, à voix haute et claire, avec la prononciation requise. (...) En revenant, ils considéraient l'état du ciel, regardant s'il était comme ils l'avaient remarqué la veille au soir et en quel signe entrait le soleil, et aussi la lune, ce jour-là. (...) Cela fait, ils sortaient, toujours en discutant du sujet de la lecture, et allaient faire du sport (...) s'exerçant élégamment le corps, comme ils s'étaient auparavant exercé les âmes."
L'éducation des enfants est également un thème cher à Montaigne. Il recommande le dialogue, la bienveillance et la formation du jugement.
"Socrate, et, depuis, Archésilas faisaient premièrement parler leurs disciples, et puis ils parlaient à eux. Obest plerumque iis qui discere volunt, auctoritas eorum qui docent.
[L'autorité de ceux qui enseignent nuit la plupart du temps à ceux qui veulent s'instruire] (...)
Qu'il ne lui demande pas seulement compte des mots de sa leçon, mais du sens et de la substance (...) Que ce qu'il viendra d'apprendre, il le lui fasse mettre en cent visages et accomoder à autant de divers sujets (...)"
Essais, livre I, 1580
Les avancés techniques et scientifiques ayant contribué à l'élargissement des espaces par les navigateurs (Magellan, Gama, Colomb, Vespuci...), on découvre un certain nombre de peuples.
Montaigne prone la tolérance vis à vis des coutumes étrangères.
"chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage".
'Des cannibales', Essais, Livre I, 1580.
Nous savons que son appel, aux origines de la démarche ethnologique, reste d'actualité, bien des siècles plus tard...
Enfin, ce compte-rendu de notre voyage au cœur de l'Europe du XVIe siècle ne saurait être complet sans évoquer les guerres de religion qui l'ont marquée.
En Europe, les catholiques, favorables à l'autorité romaine papale, s'opposent aux protestants, favorables à la Réforme qui refuse la superstition et le pouvoir pour revenir à un christianisme originel.
En Allemagne, Martin Luther affirme qu'il tient la bible pour seule source légitime d'autorité religieuse et que le système des indulgences qui permet de racheter ses fautes contre de l'argent est incompatible avec la piété et ne permet pas de remédier au problème.
A Genêve, Calvin appelle à plus de rigueur.
Le luthérianisme et le calvinisme auront un grand impact aux Pays-Bas.
En France, les 'hérétiques' sont pourchassés. Durant le massacre de la St-Barthélémy (1572) des milliers de protestants sont massacrés à Paris. Toutefois, le protestantisme se diffuse parmi des milieux qui ont accès à la culture dont les commerçants et les artisans. Souhaitant donner fin à cette guerre civile, Henri IV proclame la liberté de culte protestant (l'édit de Nantes, 1598).
Engagé contre l'injustice des persécutions religieuses, l'auteur Agrippa d'Aubigné s'inspire du récit biblique de Caïn, châtié par Dieu pour avoir tué son frère Abel et compose des œuvres aux accents terribles de vengeance.
En Angleterre, à la rupture politique avec Rome succède la diffusion des idées de la Réforme et la création de l'église anglicane.
Cette scission religieuse et politique divise l'Europe et les groupes sociaux, depuis la Scandinavie jusqu'à Prague et les humanistes appellent à la tolérance religieuse.
Un autre cheval de bataille dont le thème pourrait être repris de nos jours.
sources :
Français, littérature et méthodes. Classe des lycées, Nathan
I. Nouailhac, C. Narteau, Mouvements littéraires français du Moyen-âge au XIXe siècle, Flammarion
http://fr.wikipedia.org
http://histoire.univ-paris1.fr/agregation/moderne2003/cours10.htm
pour approfondir :
http://jrmasson.free.fr/index.php?page=lit16
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