Cependant, je ne suis pas déçue, car j'entre au XIXe siècle qui connait un grand dynamisme littéraire : de nombreux mouvements se complètent, s'opposent et se succèdent.
Je vous propose donc à présent de partir à la découverte du Romantisme, du réalisme, du naturalisme, du Parnasse et du symbolisme. Comme les lignes de partage sont quelques fois un peu floues, car chaque mouvement se crée en réaction à un autre, j'ai opté pour donner un aperçu global de la pensée au 19e siècle. En ligne de fond : le moi et l'être.
En France, le vent de la Révolution a soufflé : de nombreuse têtes sont tombées sous la guillotine et une grande instabilité politique marque les esprits. Une figure historique va se détacher : Napoléon se fait proclamer empereur en 1804. Son règne est marqué par des guerres visant à étendre son pouvoir en Europe.

En écho aux libérations politiques qui se sont écoulées, les artistes Romantiques réclament également plus de liberté. On veut se libérer des contraintes et des conventions, des règles de littéraires classiques.
Au théâtre, cela se traduit par la suppression des 3 unités (une action, un journée, un lieu).
"L'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de lieu. L'action, encadrée de force dans les vingt-quatre-heures, est aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule. Toute action a sa propre durée comme son lieu particulier. (...) C'est ainsi qu'on a borné l'essor de nos plus grands poètes. C'est avec les ciseaux des unités qu'on leur a coupé l'aile." V. Hugo, préface de Cromwell (1827)
De la même façon, la représentation de Hernani (1830) de Victor Hugo suscite de nombreux commentaires et marque le genre théâtral.
En poésie, on bannit les imitations des textes Grecs antiques, la forme s'assouplit (versification, métrique...) et tous les sujets deviennent légitimes.
"Tout est sujet : tout relève de l'art ; tout à droit de cité en poésie (...) Le poète est libre." V. Hugo, préface de Orientales (1829)
Selon Joseph von Eichendorff, Gedichte (1830) :
"Schläft ein Lied in allen Dingen
Die da träumen fort und fort
Und die Welt hebt an zu singen
Triffst du nur das Zauberwort."
traduction en néerlandais :
Er slaapt een lied in alle dingen,
die daar maar alsmaar liggen te dromen
en de wereld begint te zingen
als jij het toverwoord maar weet te vinden.
Alors que de la Renaissance au 18e siècle, on pense que l'art s'apprend, qu'il s'agit de maîtriser des canons artistiques, et qu'il doit se rapprocher de la réalité, au 19e siècle prédominent les idées de création et d'originalité. On cherche à faire quelque chose de 'neuf' et la thématique du génie germe. L'artiste romantique est en relation avec l'invisible.
Le genre fantastique se développe : le rêve, l'irrationnel s'entremêlent à la vie réelle.Les souvenirs, les rêves, la folie et le mysticisme qui imprègnent l'œuvre de Gérard de Nerval (Aurélia, 1855) annoncent le surréalisme. Le Horla de Guy de Maupassant est le journal d'un homme qui voit son double envahir sa vie et sombrer dans la folie.
Car en réaction au rationalisme du 18e, se développe un goût pour le sentimentalisme. La vérité doit être ressentie, et non pensée, conceptualisée.
Cette tension entre la raison et les sentiments se double d'une tension entre la vie sociale et les intérêts personnels. En Angleterre, on se passionne pour le roman Sense en Sensibility, de Jane Austen (1811). En France, les personnages de Le rouge et le noir de Stendhal (1830) sont tiraillés entre deux aspirations : la réussite sociale et l'amour. Madame Bovary (1857) de G. Flaubert s'ennuie dans sa vie d'épouse de médecin de province; de l'adultère elle passera au suicide.
Car il y a bien un coté noir, pessimiste dans l'esprit du 19e siècle. Les idées de 'développement' sont mises en doute et une insatisfaction vis-à-vis de l'époque flotte dans l'air. Les regards se tournent volontiers vers un 'âge d'or' passé.
Certains rêvent à nouveaux de tournois, de duels et de fuite aventurière et le roman historique est au goût du jour. Ivanhoé, de Sir Walter Scott (1820) est populaire dans toute l'Europe.
D'autres voient dans la mystique noire médiévale une source d'inspiration. Les 'outils-clef' des romans noirs (aussi appelés nouvelles gothiques) sont : un château lugubre, des apparitions de sorcières, de magiciens et de vampires, un lourd secret lié à un amour interdit ou encore un pacte avec le diable. Dans le cycle de Jaromir, du poète néerlandais A.C.W. Storing, un étudiant se déguise en diable pour recevoir ainsi un repas gratuit.
Dans ce genre noir, sont restés des noms comme l'allemand E.T.A Hoffman, l'américain Edgar Allan Poe. La peur de la mort, la séparation de l'âme et de l'esprit sont au coeur de Frankenstein or the famous Prometheuse (1810), de Mary Shelly.
Les opéras de Richard Wagner mêlent également effroi et fascination pour la mort : dans Parsifal, le roi Titurel chante depuis un cercueil.
Pour l'homme qui ne croit plus aux vertus du rationalisme et de l'optimisme, la vie devient une aventure pleine de dangers. Les angoissses et le désepoir sont caractéritiques du 'mal du siècle'.
L'idée que "l'homme ne peut rien contre la fatalité" est centrale dans l'œuvre de Charles Baudelaire et des autres 'poètes maudits' : Rimbaud, Mallarmé, Verlaine.
Ceux-ci ont également pour partage de provoquer des scandales, à l'image de celui suscité par les poèmes dédiés à des lesbiennes dans Les Fleurs du Mal, scandale auquel il répond par Les litanies de Satan.
Car si les projets d'explication rationnelle et scientifique ont fleuri au 18e, le 19e siècle connaît un regain du sentiment spirituel (qu'il soit occulte ou religieux).
Le 'Carpe Diem' cède la place aux fantasmes d'immortalité et la beauté de la nature ne peux que se justifier que par l'existence de Dieu. C'est ainsi qu'une partie de la littérature s'imprègne de religiosité.
Citons, pour la poésie le flamand Guido Gezelle "Mij spreekt de blomme een tale, mij is het kruid beleefd".
"O krinklende winklende waterding,
met 't zwarte kabotseken aan,
wat zien ik toch geren uw kopke flink
al schrijven op 't waterke gaan! (...)
We schrijven, herschrijven en schrijven nog,
den heiligen van God!"
Le français Alphonse de Lamartine écrit Harmonies poétiques et religieuses, un titre explicite ; et voici un passage de Le Génie du Christiannisme (1802) de Chateaubriand :
"Un soir je m'étais égaré dans une forêt, à quelque distance de la cataracte du Niagara ; bientôt je vis le jour s'éteindre autour de moi, et je goûtai, dans toute sa solitude, le beau spectacle d'une nuit dans les déserts du Nouveau-Monde. (...) La grandeur, l'étonnante mélancolie de ce tableau ne suaraient s'exprimer dans les langues humaines (...) l'âme se plaît pour ainsi dire, à se trouver seule devant Dieu."
Au XIXe, s'éveille un regain d'intérêt pour les histoires populaires et le folklore en général. En Allemagne on rassemble des vieilles chansons populaires, transmises oralement de générations en générations. Celles-ci vont inspirer de nombreuses oeuvres littéraires; pensons à la légende de Barbe-Noire. On collecte également des contes anciens, comme l'ont fait Jacob et Wilhelm Grimm : Blanche-neige, Hansel et Gretel, Le joueur de flûte de Hamelin sont réécrits.
Un certain nombre de romans décrit abondament la vie des simples gens, du peuple paysan.
Ce goût pour la couleur locale se développe. Les lecteurs deviennent friands de descriptions des habitudes, des tenues, des intérieurs et des paysages. Les textes de H. de Balzac, dont Le Père Goriot (1835) abondent en descriptions minutieuses et proposent une étude de moeurs, un portrait réaliste. En réaction à la subjectivité et aux rêveries des romantiques, les réalistes veulent s'en tenir aux faits. L'anglais Charles Dickens se base sur sa propre expérience pour décrir dans David Copperfield (1850) les classes moyennes et populaires Londonniers.
Quand aux naturalistes, ils considèrent que la nature humaine est la seule responsable des actes, et non pas les puissances divines, ou l'imagination ou encore la raison. Au fil de la série des Rougon-Macquart, E. Zola imagine une saga familiale sur plusieurs générations où il décrit avec force la misère des milieux populaires, du prolétariat industriel qui explose suite à la 'révolution industrielle'. Dans le roman social les Misérables, V. Hugo (1867) dénonce "la dégradation de l'homme par le prolétariat, de la femme par la faim et de l'enfant par la nuit."
Rejetant et les épanchements lyriques des romantiques et l'engagement politique des réalistes, le tenants de "l'art pour l'art" s'unissent. En 1866, paraît en France le premier Parnasse Contemporain qui regroupe les oeuvres d'une quarantaine de poètes. Pour les parnassiens, la Beauté ne saurait être mêlée à l'utilité.
"Il n'y a de vraiement beau que ce qui ne peut servir à rien; tout ce qui est utile est laid, car c'est l'expression de quelque besoin, ceux de l'homme, ignobles et dégoutants, comme sa pauvre et infime nature." T. Gauthier, préface de Mademoiselle de Maupin (1936)
Plus tard, le célèbre dandy Oscar Wilde dira "all art is quite useless". Le mouvement dandysme projette de faire de sa vie même en art, où l'oiseveté et l'élégance s'entremêlent.
La mouvance symboliste partage avec les Parnassiens la recherche du Beau. Mais ces derniers accordent une prépondérence à la musicalité. "De la musique avant toute chose", comme le dit P. Verlaine. Cette musique puise sa force dans le déséquilibre : "Le beau est toujours bizarre" (C. Baudelaire). Les vers, en poésie, se veulent impairs, les césures non classiques et la teneur mélancolique.
Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand,
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure ;
Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà
Pareil à la
Feuille morte.
Verlaine, 'Chanson d'automne' Poèmes saturniens.
La poésie de Rimbaud se veut également musicale, elle doit suggérer et non définir :
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baigant dans le frais cresson bleu
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font plus frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur la poitrine
Tranquille. Il a deux rouges au côté droit.
Rimbaud, Le dormeur du val, Poésies (1870).
Traduction néerlandaise de Albert Verwey : De slaper in 't dal
Een groene kloof waar een rivier door zingt
En vasthecht zilvren flarden aan 't gepluimt
Van 't randgras, waar de zon langs rotswand springt
En blinkt. Een klein dal dat van stralen schuimt.
Een jonge soldaat, blootshoofds, met open mond,
De nek in frisse blauwe kers gebaad,
Slaapt, uitgestrkt in 't gras op 'd open grond,
Bleek in zijn groen bed daar de zon hem braadt.
Slaapt, voeten in de zwaardbloem. Als een knaapje
Dat ziek ligt, glimacht, zo doet hij zijn slaapje.
Hij heeft het koud! Natuur, bestraal hem vrij.
Geen geuren doen zijn neusgaten meer rillen,
Geen stralen hand die op zijn borst rust, trillen.
Twee rode gaatjes heeft zijn rechtzij.
Bibliographie :
XIXe siècle, collection littéraire Lagarde & Michard, Bordas
Eldorado. Literatuur voor de tweede fase Vwo, Thieme-Meulenhoff
Français. Littérature et méthodes, Nathan
Littérature, textes et méthode, Hatier
Literatuur zonder grenzen. Literatuur voor de tweede fase VWO, Educatieve Partners Nederland
Mouvements littéraires français du Moyen-âge au XIXe siècle, Librio
Suggestions de blogs :
Autres présentations sur 'le romantisme', chacune dans son style
http://malika-akk.blogspot.com/2009/04/le-romantisme.html
http://leergebied4selyne.blogspot.com/2009/05/voyage-travers-le-temps-la-periode.html
un blog sur le naturalisme et le réalisme :
http://naturalismefr.blogspot.com/2007/08/le-ralisme-et-le-naturalisme.html
art naturaliste : http://www.arts-up.info/mouvements/naturalisme.htm
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